jeudi 16 juin 2011

Dans le brouillard (entretenu) de la cyberguerre ?

Charles Bwele, éminent spécialiste francophone de la technosphère est aussi l'un des membres créateurs d'AGS (Alliance GéoStratégique) et accessoirement l'administrateur du site web qui héberge les publications de ce collectif. Charles est également le propriétaire (très) actif de l'excellent site Electrosphère et intervient de temps à autre sur Agoravox.

Je ne pouvais pas faire autrement que réagir à l'article, pertinent et parfois savant (dans l'approche des concepts et les effets systémiques induits) qui vient d'être publié sur AGS. Celui-ci s'intéresse aux annonces de l'administration Obama en matière de cybersécurité, en particulier l'un des points les plus discutés sur le web : les mesures de rétorsion militaires (conventionnelles voire nucléaires !) en cas de cyber-attaques destructrices sur les infrastructures vitales des USA. Ce que d'aucun appellent le "Cyber Pearl Harbour" depuis plus d'une décennie.

Charles souligne habilement mais aussi à juste titre, les paradoxes voire les contradictions d'une telle annonce. La métaphore à la fin de son article pourrait résumer l'essence même du propos : "D’une certaine façon, un État face aux hackers est aujourd’hui comme un boxeur poids lourd face à un essaim d’abeilles : complètement désemparé et très peu dissuasif".

C'est tout à fait cela. Et j'ajouterai même "plus c'est gros plus ça passe" !

A part reproduire une manœuvre de désinformation/manipulation (osée mais réussie) comme celle ayant conduit à l'entrée en guerre des USA en Irak en mars 2003, les traces numériques et autres preuves dématérialisées seront, elles, beaucoup plus difficiles à produire de manière absolue et indéniable en cas de cyber-attaque "chinoise" ou "nord-coréenne" ! J'aimerai d'ailleurs connaître le type de réaction "militaire" face à une attaque concertée des Anonymous sur une ou plusieurs infrastructures vitales américaines ? Le président Obama ira-t-il jusqu'à autoriser le tir d'une bombe guidée laser sur l'habitation du "dangereux terroriste" ?

On le voit, tout ceci n'est pas très sérieux, et c'est pourquoi je n'y avais pas attaché plus d'importance que cela dans mon billet du mois de mai sur le sujet, évoqué par Charles Bwele. J'aurais sans doute dû être plus explicite, car c'est ainsi qu'il fallait comprendre ma première phrase : "Attendues depuis des semaines, les propositions de la Maison Blanche en matière de cybersécurité n’apportent pas de réelles nouveautés à un arsenal déjà bien fourni". Mais je n'ai pas vu l'intérêt de "montrer les crocs" ou de distiller mon "venin" ;) considérant que ce blog cherche avant tout à transmettre de l'information en la commentant le moins possible et/ou de manière pertinente : charge au lecteur/trice de se faire sa propre opinion et, le cas échéant, d'engager une discussion avec moi ou les autres spécialistes du domaine. Eux aussi accessibles via la Toile (voir la partie Liens, colonne de droite de ce blog).

Au fil des siècles, les puissances dominantes successives ont souvent eu tendance à vouloir montrer leur supériorité du moment, quelle soit de nature politique, économique et/ou militaire. Les USA, qui ne font pas exception à la règle, auraient sans doute dû faire plus acte de pédagogie, en traitant la cybersécurité (qui va devenir un vrai problème stratégique dans les mois/années qui viennent) avec davantage de cervelle que de muscle. Pour autant, il faut sans doute y lire une concession aux tenants d'une ligne dure et agressive (les fameux "faucons") qui entourent le président américain. Qui y a sans doute également vu l'occasion de faire phosphorer ceux "du camp d'en face". De manière quasi inutile. Ce qui est aussi l'art de continuer à entretenir le brouillard de la cyberguerre...

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