dimanche 31 août 2014

L'intéressant rapport "Atteindre la supériorité de l'information. Cinq impératifs pour la transformation militaire"

Booz & Company (1), "l'un des plus importants cabinets de conseil en stratégie dans le monde" (2), vient de publier un intéressant rapport d'une douzaine de pages (3) expliquant l'intérêt d'atteindre la "supériorité de l'information", qui est "un critère déterminant du succès d'une mission". Notons tout d'abord que l'utilisation des termes "supériorité de l'information" est très proche du concept étasunien de "domination de l'information" (information dominance) élaboré dès la fin des années 70 et qui a, depuis, structuré nombre d'innovations et de concepts U.S. en matière de "cyber warfare". Sans doute un peu moins agressif dans les termes, rechercher la supériorité de l'information peut être rapproché de la doctrine "Air dominance", chère à l'U.S. Air Force et à de nombreux officiers un peu partout dans le monde. Coïncidence, peut être, puisque l'on sait les aviateurs très en pointe sur le cyber aux USA depuis plus d'une décennie.

Le rapport explique que développer la capacité de supériorité de l'information requiert les cinq "impératifs" suivants :
- traiter l'information comme un bien ("asset") stratégique ;
- disposer d'une gouvernance centralisée ;
- construire une culture (interne) de l'information ;
- disposer d'une posture cybersécurité adaptée ;
- concevoir et délivrer une infrastructure intégrée de systèmes d'information et de communication.
Jusque là, le rapport ne fait pas montre d'une grande originalité puisqu'il ne fait qu'énoncer des principes disponibles dans plusieurs séries normatives comme notamment les ISO 27000 (4) ou CobiT (5). Il devient cependant intéressant lorsqu'il est lu dans le détail.

D'emblée, le rapport affirme que disposer des capacités initiales de supériorité de l'information a "déjà permis de faire une différence significative sur le champ de bataille". Si Sun Tzu est cité, ayant expliqué l'importance vitale que pouvait recouvrer l'information il y a plus de 2000 ans, le rapport souligne les améliorations vécues de la 1ère guerre du Golfe (1991) à la seconde (2003) : une meilleure localisation des unités amies ont permis de réduire drastiquement les tirs fratricides. Sont également cités le théâtre d'opérations en Afghanistan et l'opération de lutte anti-piraterie dans l'Océan Indien. Le rapport insiste ensuite sur la nécessité de positionner la supériorité de l'information comme capacité primaire au même titre que "la défense aérienne, le contrôle maritime et la (capacité de) manœuvre terrestre". Une nécessité qui est en train de devenir une évidence pour certains décideurs politiques et militaires mais qu'il est bon de rappeler marteler. Enfin, le rapport souligne que si "les avantages de la supériorité de l'information sont considérables", il ne faut pas perdre de vue l'importance de disposer d'un socle cybersécurité robuste et résilient. Qui doit être développé en cohérence avec les stratégies de sécurité physique et de sûreté du personnel.

Finalement, si ce rapport n'apporte aucune nouveauté, il vient rappeler principes et recommandations que tout décideur - économique, politique ou militaire - devrait avoir à l'esprit afin de conduire au mieux les intérêts de la structure dont il a la charge. Parmi ces principes, celui du changement de paradigme que les technologies de l'information ont créé ces dernières années. Un changement qui introduit de nombreuses et nouvelles vulnérabilités et, qui par effet mécanique, augmente la surface d'attaque potentielle de l'entreprise, de l'unité militaire voire du pays. Tendre vers une supériorité de l'information ou, du moins, une meilleure connaissance de la structure et de l'infrastructure de son information est en train de devenir un élément essentiel de la stratégie.


(2) renommé Strategy& après son rachat en avril 2014 par PricewaterhouseCoopers

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