Dans la vision futuriste de nombreux écrivains (1) et réalisateurs de cinéma, la ville du futur est intelligente, communicante mais aussi extrêmement surveillée. Les grandes métropoles, nord-américaines et, surtout, japonaises et coréennes illustrent cette tendance. C'est pourtant une "vieille dame" européenne qui interpelle et intrigue puisque Londres est la première ville à disposer d'environ 200 "smartbins" (2) soit des poubelles intelligentes !
Reliquat des Jeux Olympiques de Londres en 2012, environ 200 d'entre elles sont installées dans le quartier de la City. Initialement conçues pour délivrer des publicités dynamiques et des flashs d'actualité, elles peuvent dorénavant utiliser les réseaux wifi pour collecter des données sur les modèles de smartphones passant à leurs abords. Ne se contentant pas d'enregistrer la proximité ou la vitesse de déplacement des passants, elles récupèrent l'adresse MAC de chaque téléphone. L'ensemble des données est analysé et permet de déduire des profils comportementaux afin d'offrir un meilleur ciblage publicitaire (3).
D'après le PDG de la société qui conçoit et développe ces poubelles intelligentes, proposer ce nouveau service est une étape somme toute logique du point de vue évolutionniste. Il réfute d'ailleurs vivement que les poubelles en question violent les libertés individuelles et même la réglementation nationale et europénne en matière de conservation des données et de cookies. La directive européenne 2009/136 impose pourtant d'en informer expressément l'utilisateur qui doit donner son consentement ou le refuser. Les autorités semblent également soucieuses de cette affaire puisque la municipalité de Londres a demandé de stopper immédiatement la collecte des données et a aussi saisi l'Information Commissioner's Office, l'équivalent de la CNIL au Royaume-Uni, qui n'a pas encore rendu d'avis.
Dans tous les cas, cette affaire est passionnante à double-titre : l'apparition dans le paysage urbain d'objets technologiques évolués et interactifs face à un volet légal et juridique où des zones grises existent. Au passage, saluons l'initiative récente d'une vingtaine de CNIL internationales qui ont lancé l'opération "Internet Sweep Day". Celle-ci a permis de démontrer "l'insuffisance, voire parfois l'absence, d'une information claire des internautes sur les conditions de traitement de leurs données personnelles". A l'heure du cloud et de l'internet des objets qui se rapproche à grand pas, nul doute que ce constat risque de perdurer encore bien longtemps.
(1) l'auteur fait bien-sûr référence à Orwell mais aussi (surtout ?) à Philip K. Dick. Le lecteur est encouragé à prolonger la liste des auteurs qui correspondent au profil établi
(2) smartphone = ordiphone / smartbin = ordipoubelle ?
(3) un individu passant tous les jours à 8h au même endroit pourra se voir proposer une réduction pour aller prendre un café dans tel ou tel magasin situé sur le même trottoir
Inspiré de : http://www.independent.co.uk/life-style/gadgets-and-tech/news/updated-londons-bins-are-tracking-your-smartphone-8754924.html
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