Les Lundis de l'IHEDN (1) ont clôturé leur belle saison 2013-2014 de conférences (2) par l'intervention enlevée, lundi 23 juin 2014, pleine de finesse et teintée d'humour, d'Erik Orsenna. Conseiller d’État, académicien et bien-sûr écrivain, c'est dans un amphithéâtre Foch plein que M. Orsenna est venu présenter sa vision de la francophonie. S'appuyant sur de nombreux déplacements internationaux depuis des décennies mais également l'expérience politique de l'exercice du pouvoir, son œil d'écrivain lui donne sans doute l'acuité nécessaire pour garder la bonne distance aux événements auxquels il a participé ou assisté.
Intitulée "Forces et illusions de la francophonie", l'intervention d'E. Orsenna commence par relever le paradoxe actuel de la France : comment un pays doté de tant d'atouts peut-il être aussi déprimé ? Prenant l'exemple de l'arrivée du musée Beaubourg à Metz, ce qui a relancé l'économie locale, son hypothèse est qu'il y a un défaut de culture à travers le pays. Passée cette introduction, E. Orsenna explique pourquoi la langue, notamment française possède "12 siècles de création collective", est vraiment "une vision du monde" et pourquoi elle est donc essentielle. Après la question du monde, vient celle des identités. Cette question des identités commence par une question dérangeante : "et si nous étions tous francophones en France ?". Une petite provocation pour souligner qu'environ 20% de la population ne maîtrise pas les fondamentaux de la langue ! Qui est le creuset de la communauté, du moteur économique et du droit, lui-même "maquette de la société".
Enfin, vient le cœur du sujet de l'intervention d'E. Orsenna qui explique pourquoi il faut se méfier des chiffres et des apparences. S'il existe officiellement environ 220 millions de francophones sur le plan international, il est en réalité illusoire de penser que les francophones seront aussi nombreux dans un proche avenir si rien n'est fait. Prenant l'Afrique comme exemple, E. Orsenna affirme que nos hommes politiques feraient mieux de "quitter les 2 km² carrés du lieu de leur visite", ce qui leur permettrait peut-être de constater le double déclin : à la "base" lors de l'enseignement du français à l'école, mais aussi "au sommet" où il existe une sorte de "compétition pour ne pas aller étudier en France" !
Si ce constat est édifiant, E. Orsenna pense aussi qu'il est simplement représentatif de la "maladie française la plus ancrée en nous" : considérer que ce que nous vivons est ce que nous avons toujours vécu, notre "ancienne gloire", et qu'elle demeurera éternelle "sans nous battre". Pour réagir et nous inscrire dans les bouleversements d'un monde qui évolue à grande vitesse, nous ne devons pas avoir peur. En continuant, par exemple, d'intégrer dans notre langue de nouveaux mots (3) ou de porter notre identité comme "un pont qui nous permet d'aller au large", c'est à dire vers les autres, et non pas comme une forteresse. Enfin, E. Orsenna constate que notre système éducatif et professionnel sanctionne voire stigmatise l'erreur alors qu'elle est source d'apprentissage donc d'amélioration.
Cette intervention, profonde et agréable, aura souligné, une fois encore, combien la France demeure empêtrée dans une déprime presque iconoclaste au regard de la place qui est encore la sienne aux yeux du reste du monde. Pourtant, à trop regarder dans le rétroviseur, nous risquons d'avoir de plus en plus de mal à éviter le mur vers lequel le pays semble se précipiter. Si nous disposons de tous les atouts pour relever les défis actuels et futurs, le temps nous est cependant compté.
Note : l'intervention complète peut être vue dans son intégralité (1h13)
(1) http://www.ihedn.fr/?q=content/conference-des-lundis-de-lihedn
(2) Lire le résumé de l'intervention de Jacques Attali en octobre 2013 Cette intervention, profonde et agréable, aura souligné, une fois encore, combien la France demeure empêtrée dans une déprime presque iconoclaste au regard de la place qui est encore la sienne aux yeux du reste du monde. Pourtant, à trop regarder dans le rétroviseur, nous risquons d'avoir de plus en plus de mal à éviter le mur vers lequel le pays semble se précipiter. Si nous disposons de tous les atouts pour relever les défis actuels et futurs, le temps nous est cependant compté.
Note : l'intervention complète peut être vue dans son intégralité (1h13)
(1) http://www.ihedn.fr/?q=content/conference-des-lundis-de-lihedn
(3) L'exemple choisi par E. Orsenna concerne le terme sénégalais "d'essencerie" pour désigner une station-essence
1 commentaire:
le père bâti.
le fils développe.
le petit fils dilapide.
Dans leur très grande majorité, les Français sont devenus des héritiers, des rentiers du collectif. Plus tellement sont des explorateurs (Bougainville), des conquérants (Surcouf), des inventeurs (Ader, Pasteur, Curie, Moreno et tant d'autres) ou des entrepreneurs (Eiffel, Michelin, Lagardère père et tellement d'autres qui ont fait la richesse de ce pays).
Le véritable enjeu actuel pour la France, est surtout de propulser les vrais talents, croire en eux, les soutenir, aider au développement de leur oeuvre.
Eux feront la grandeur phantasmée (ou plutôt maintenant, tant attendue). Laisser leur chance à l'ambitieux, au courageux et arrêter de dénigrer, surtout quand ce n'est que par principe.
Faire champs libre aux énergies capables de déplacer des montagnes est chose culturellement difficile en ce pays, qui plus est quand c'est (inconsciemment) entretenu.
La France n'est pas si déprimé que ça, un trop grand nombre se complait dans la médiocrité, faute de mieux, faute d'exigence. Et ça, c'est un problème strictement politique (mais avec un grand 'P').
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